A deux pas du musée de la vie romantique s’étire la rue des Martyrs. Quel toponyme ! Jalonnée de boulangeries, pâtisseries et salons de thé, cette artère irriguée de douceurs incite au pécher de gourmandise. Se torture seul qui résiste à la tentation…
Initialement appelée rue des Porcherons (voyons si le raisonnement se tient : Porcherons > porcherie > cochon > nourriture), la rue du Champ-de-Repos (le repos des repus ?) recouvra définitivement le nom de rue des Martyrs, qu’elle portait déjà entre 1793 et 1806, par arrêté préfectoral du 2 avril 1868. Elle mène au village de Montmartre, où, selon la légende, saint Denis, le tout premier évêque de Paris, se vit trancher la tête. Aujourd’hui, ce n’est pas plus le martyre de la décapitation mais celui de la liposuccion qui guette les gourmands contrits. Heureusement, face aux mines déconfites de culpabilité, il y en a qui en profitent ! Un chapelet d’adresses capitales s’égrène de Pigalle à la rue Saint Lazare. En voici – choix « arbitraire » – sept.
N. B. : Nous resterons sur le trottoir de gauche, en descendant, afin de conjurer le mauvais sort. Ce côté (sinister, qui a donné le terme sinistre, en français) portait malheur dans l’Antiquité.
Alerte à la tricherie : le point de départ de cette procession de foie se situe au 53 avenue Trudaine, là où la rue des Martyrs se sectionne en deux. Cette adresse correspond au Kooka Boora, alias KB pour les habitués. Il s’agit d’un des premiers coffee shops à avoir introduit le latte art à Paris. Les étudiants viennent s’y recueillir avec leur ordinateur. Chaque jus consiste en une trinité de fruits. Des desserts à se damner. Oh ! Et béni soit le pain de la Maison Landemaine, boulangerie voisine (26 rue des Martyrs) d’où proviennent les tartines servies à l’heure des matines.
N°58 Le Comptoir belge – Le paradis des gaufres
Depuis 2014, Viggo Handeland et Gabriel Mathy prêchent pour le terroir belge. Le duo a fait le vœu – et l’a vu se réaliser – d’initier les becs sucrés français à la meilleure gaufre de Liège, entre autres produits locaux. La recette nordique se présente nature, fourrée au chocolat, ou encore saupoudrée de cannelle. S’ajoutent à ce vice délicieux des biscuits et boissons, également à emporter.
N°54 Glaces Glazed – Le temple du glacé
La croyance découle de la vue, n’est-ce pas ? Alors Glazed (regardé, en anglais) porte bien son nom. Cette enseigne unique sonne le glas des parfums de glace ordinaires. Parmi les crèmes incontournables, Dark Side (Chocolat – Sirop d’érable – Grué de cacao) s’avère diablement bon. Smoke On The Water combine la douceur de la vanille de Madagascar au croquant des graines de chanvre. Sans oublier l’irrésistible association pop corn-caramel au poivre à queue. Dans la famille des sorbets signature, Mojito de Tokyo (Rhum – Menthe fraîche – Citron bio) Pump Up the Volume (Mangue – Piment d’Espelette) arrivent en tête des favoris… Autant d’inventions dues à la reconversion peu orthodoxe d’Henri G., un « cruciverbiste, expert en cucurbitacées », qui n’hésite pas à mettre la main à la pâte. Les glaciers traditionnels peuvent faire leurs prières face à ce révolutionnaire.
N°46 Rose Bakery – Le Messie du 9ème
Rose Bakery est aux gourmets ce que La Bible est aux religieux, une référence. Dans ce lieu de communion, coté depuis une quinzaine d’années maintenant, scones, cakes, brownies, crumbles, soupes et risottos, remplacent l’hostie ; et le thé, les jus pressés à froid, ainsi que les bières artisanales, le vin divin. Tout est fait maison. Cet été, cette sacrée enseigne, implantée depuis cinq ans environ au Bon Marché, investit, dans le même quartier, le musée de la vie romantique, dont le salon de thé était autrefois réputé pour ses infusions à la fleur d’hibiscus. Désormais les quiches y feront l’unanimité. Habitués à faire la queue dans la maison-mère, les habitants du 9ème sont, avec ce second point de chute, au septième ciel.
N°44 Popelini – Têtes de religieuses
La voilà, la sainte famille des temps modernes. Son père est le fondateur des laboratoires Lette, société spécialisée dans la fabrication de macarons. Sa grand-mère maîtrise / maîtrisait la recette du strudel et du cheesecake à la perfection. Quant à elle, c’est-à-dire Lauren Koumetz, elle ne jure que par les choux à la crème. Une litanie de parfums (trente au total) figure à la carte de sa marque, Popelini, laquelle porte le nom du cuisinier patenté et tentateur de Catherine de Médicis .
N°24 Henri Le Roux – Le dieu du caramel et du chocolat
Le père du caramel au beurre salé, c’est lui ! Cette création suprême remonte aux années 1980. Près de vingt plus tard, Henri Le Roux se mit au défi d’agrandir son best-seller. Il en fabriqua un de 567,85 mètres, record non égalé à ce jour. S’ensuivit une vente, dont le fruit (défendu) était (pré)destiné au service pédiatrie de l’hôpital Curie à Villejuif et de la SNSM (Société Nationale de Sauvetage en Mer). Derrière le caramélier se cache un chocolatier tout aussi doué, officiant des mariages inédits entre les plus grands crus de cacao et des garnitures raffinées. En 2003, le Guide des Croqueurs de Chocolat l’a d’ailleurs sacré numéro 1 en la matière.
N°22 Pâtisserie Salon de thé Sébastien Gaudard – L’enfant de cœur
Il fut le disciple des plus grands avant de s’élever au sommet. Fils d’un chocolatier lorrain, Sébastien Gaudard fait ses débuts aux côtés de George Vergne à Belfort et de Gérard Banwarth à Mulhouse avant de produire ses premiers miracles à Matignon. Il entre chez Fauchon en 1993 en tant que commis, adjoint, et second de Pierre Hermé, auquel il succède à l’âge de 26 ans seulement. Les fidèles du Bon Marché (je m’inclus bien sûr dans le lot) se souviennent encore de son Délicabar, conçu main dans la main avec le désigner Claude Collucci. Aujourd’hui, le maître, élu Meilleur pâtissier de France en 2012, détient deux boutiques Rive Droite, le côté – rappelez-vous – qui porte bonheur.