C’est le jour du Réveillon, le jour où tout, habituellement, est fermé. De Nice on se rend à Saint-Paul de Vence, village de 3 500 habitants environ, perché sur la Riviera française. Impossible de narguer les Parisiens au téléphone. Il a beau faire 18°C à l’extérieur, la capitale en compte à peine deux de moins. Peut-être mais, au sud, il y a la Fondation Maeght. Ce haut lieu de l’art moderne et contemporain, dirigé successivement par Aimé puis Adrien Maeght, ouvre spécialement ses portes pour nous. Un joyeux Noël en perspective.
Le directeur avait des dossiers à boucler. « Des histoires de prêts, rien de bien intéressant », nous explique-t-il. Des prêts ? Pour la prochaine exposition ? Secret d’état : si nous bénéficions d’une visite privée exceptionnelle, sur-mesure, les lèvres de notre interlocuteur à ce propos demeurent scellées. Dans le jardin, des pins, arbres typiques de la région, mais aussi des sculptures montées in situ. Ces personnages difformes, comme ils ont de grands yeux ! L’artiste qui domine ce labyrinthe de verdure n’est autre que Miró (sans jeu de mots). Dans le bassin, à gauche de l’entrée, de petits bonshommes verts lancent des jets d’eau. Cette fontaine esthétique et pratique est signée d’un certainFabrice Hyber.
Les bronzes décharnés que l’on croise au fil du parcours sont, eux, deDiego Giacometti. Son célèbre Homme qui marche avance, immobile, sur la terrasse du rez-de-chaussée. Sur le balcon supérieur, on retrouve un nom familier, Alexander Calder, que l’on vient de découvrir au travers d’une rétrospective fascinante à la Tate Modern (Voir Top 3 des expos à Londres).
La Fondation Maeght fait actuellement dialoguer trois artistes aux techniques et origines totalement différentes. Ainsi, les noms de Richard Deacon, Sui Jianguo et Henk Visch viennent temporairement s’ajouter à ceux de la collection permanente, à savoir Chagall, Léger ouSoulages. Respectivement anglais, chinois et hollandais, les membres de ce trio de choc ont accepté d’explorer la thématique des creux et des pleins ; l’un en contorsionnant des corps, l’autre en présentant des espèces de coulées de matière abstraites, et le dernier en adossant des contours géométriques en acier contre les murs immaculés de la fondation.
On remercie chaleureusement le maître des lieux, avant de s’en retourner au village. À l’entrée des remparts se tient l’auberge de La Colombe d’or peuplée d’œuvres de Picasso, Matisse, Modigliani, Braque… Interdiction d’en visiter l’intérieur à moins d’y descendre. Encore un cadeau de Noël ? Fort d’un laissez-passer de dix minutes, on pénètre ce temple insoupçonné de l’art. On évite de demander s’il s’agit d’originaux, sous peine de s’entendre rabrouer par l’hôtesse d’accueil.
On s’assoit à une terrasse de café, en face.
– Tu devrais pointer, Gégé !
– Ah ça y est, il a dégommé ma boule !
– Elle tête le cochonnet !
– Ah non ! Il ne vas pas nous faire … pour changer d’équipe !
Et une partie de pétanque pour clore la journée ! Tout en poésie ! Que de demander de plus ?
Peplum – 24 décembre 2015