Après Fra Angelico et Canaletto, un autre maître de la Renaissance italienne débarque au musée Jacquemart-André, Le Pérugin. Enfin !
Rares sont les louanges quant à l’agencement des salles d’expositions temporaires du fameux hôtel particulier. Ce huis clos de huit salles qu’Hubert LeGall s’échine régulièrement à mettre en scène, depuis 2006. Malgré le talent du scénographe les critiques radotent : pas de place, pas de place ! Le parcours n’en reste pas moins cohérent. En voici les points saillants.
L’ombrien qui fait de l’ombre
Le banquier et collectionneur Agostino Chigi voyait en lui « le plus grand maître d’Italie ». Mais de quelle Italie exactement ? La carrière du Pérugin débute à Pérouse, capitale de l’Ombrie, au centre. Sa formation se poursuit à Florence, foyer artistique européen incontournable au XVe siècle. C’est là, dans l’atelier du peintre Andrea del Verrocchio, qu’il rencontre des artistes aussi réputés que Léonard de Vinci ou Botticelli. De retour dans son fief natal, Le Pérugin honore une commande de sa paroisse, la « niche de Saint Bernadin ». À Rome, le pape Sixte IV lui confie le décor de la chapelle Sixtine, de concert avec d’autres peintres florentins à qui l’Ombrien commencent sérieusement à faire de l’ombre. Son point fort ? Les portraits.
L’Annonciation, vers 1498, collection privée
Entre profane et sacré : le portrait
Un genre qui traverse infailliblement son œuvre. Au-delà de quelques saints, le visage qui a sa préférence n’est autre que celui de la Vierge à l’Enfant – la plus aboutie étant, selon la critique, conservée à la National Gallery of Art de Washington. Ce qui le distingue de ses émules ou rivaux, outre sa maîtrise des drapés et la précision de ses traits ? Le détail de ses paysages en arrière-plan. À l’inverse, Boticelli optait pour des fonds unis, par exemple.
La Vierge à l’Enfant, vers 1500, National Gallery of Art, Washington
Ce n’est que dans les années 1490 que Le Pérugin s’attèle à des sujets profanes. Son Apollon et Daphnis (1483) se destine à Laurent de Médicis, que d’aucuns reconnaissent dans les traits du berger. En 1503, Isabelle d’Este, marquise de Mantoue, lui commande un tableau allégorique, pour son cabinet de travail (studiolo) au Palais de Mantoue, à accrocher en regard de ses Mategna. C’est ainsi qu’elle hérite du Combat de l’Amour et de la Chasteté. La régularités des contours, les subtils jeux de lumière, l’attention au mouvement… sont autant d’éléments que le maître inspire, sinon inculque, au jeune Raphaël.
Apollon et Daphnis, vers 1490, Louvre, Paris
Péruphaël
Les deux dernières salles de l’exposition intéressent les relations entre le maître d’Urbin et son aîné. Si rien ne prouve que Raphaël a effectivement fréquenté l’atelier du Pérugin, l’influence de ce dernier ne saurait l’avoir épargné. Leur proximité stylistique transparaît notamment dans quelques éléments du Retable de saint Nicolas de Tolentino, daté de 1500. Les poses délicates, les plis marqués évoquent la maestria du peintre ombrien dont deux larges panneaux provenant de l’église Sant’Agostino ponctuent le parcours. Et si on faisait un autre tour ?
“Le Pérugin, maître de Raphaël”, du 12 septembre au 19 janvier, musée Jacquemart André.