Des millions de personnes transitent chaque année sur la Terrasse des Mousquetaires sans jamais le remarquer. Pourtant, le musée de la FFT occupe une place centrale dans le stade de Roland Garros. À côté du court Philippe Chartrier ! Visite guidée.
Créé en 2003, le musée de la FFT – anciennement appelé tenniseum – c’est, concrètement, une salle d’exposition permanente, deux salles (modulables) d’expositions temporaires, deux riches espaces séparés par une galerie consacrée, saison après saison, au créateur de l’affiche du tournoi. C’est aussi 1 500 pièces incarnant l’histoire du tennis français et international, 35 000 visiteurs annuels, dont 15 000 durant le tournoi de Roland Garros. Pareil déséquilibre amène à débouter la croyance selon laquelle le stade ne serait ouvert ou accessible que deux semaines par an, à cheval entre les mois de mai et juin.
L’exposition permanente
Autre préjugé à abattre : il y a une nouvelle Coupe des Mousquetaires chaque année. Non, il existe un trophée que le vainqueur soulève symboliquement au sortir de la finale, et troque dans les coulisses pour un modèle de moindre taille. Ce trophée retourne ensuite au musée jusqu’à la saison suivante. C’est d’ailleurs la première chose que l’on voit dans la salle d’exposition permanente, entourée de ses ancêtres et de son pendant féminin. Manque la coupe Handisport pour compléter cette panoplie introductive.
Avant tout chronologique, le parcours se divise en sept étapes, sept thèmes signalés en gris sur le support immaculé des vitrines centrales. Une scénographie à la fois sobre et élégante, qui s’appuie sur des objets plutôt que sur des supports multimédia, comme c’était le cas jusqu’en 2012. « La magie de certains objets suscite une grande émotion. Et c’est cette émotion que nous avons voulu communiquer », explique Michaël Guittard, Chargé des collections du musée. Avis aux fans de tennis, des chaussures de Jo-Wilfried Tsonga, on s’achemine lentement vers un polo de Roger Federer, en passant par une tenue portée par Rafael Nadal – pas la plus extravagante de sa garde-robe, tout surprenant que ce soit -, un cartel dédié au jeu de paume, l’ancêtre du tennis, un portrait du Major gallois Walter Clopton Wingfield (1833-1912), l’inventeur du tennis, un pan de mur consacré à Suzanne Lenglen, une présentation des Quatre Mousquetaires, Jean Borotra (1898-1994), Jacques Brugnon (1895-1978), Henri Cochet 1901-1987) René Lacoste (1904-1996), ainsi que par une série de raquettes et de balles ayant traversé les âges. Une collection qui offre un excellent aperçu du tennis français, et plus particulièrement de Roland Garros, depuis sa création jusqu’à nos jours.
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À gauche du stand Häagen Dazs, c’est là que se cache le musée de la FFT.
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Cartel n°1.
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En bas des escaliers, démarrant à gauche de la réception, un projet de poster signé Jean-Pierre Rives (1995).
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Pourquoi les vitrines du milieu sont-elles vides ? Parce que les trophées en sortent le temps du tournoi afin d’être remis aux gagnants les jours de finale. Lesdits trophées reprennent leur place attitrée, une fois le tournoi terminé. Au centre, la grande absente, la Coupe des Mousquetaires laquelle récompense le vainqueur du simple messieurs. Créée en 1981 par le joaillier Mellerio, elle mesure 40 cm et pèse 10kg.
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Retournant un tableau de progression des Internationaux de France, l’artiste italien Lucio Fanti voit se dessiner la silhouette d’un arbre. Sur cette inspiration, il réalise ce trophée original en bronze, unique au monde, et remis au vainqueur de l’Open de Paris de 1991 à 2006 (sic).
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De droite à gauche : bottines de lawn-tennis pour hommes (1908) ; tennis de Stan Smith (1978) ; tennis de Jo-Wilfried Tsonga (2011).
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À gauche, une des tenues les plus sobres portées par Rafael Nadal, en 2006 ; à droite, un ensemble dans lequel jouait Jean Borotra, en 1927.
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Comme son nom l’indique, le jeu de paume consiste à renvoyer une balle au-dessus d’un filet à main nue d’abord, puis avec un gant en cuir dès le XIIIè siècle. Vient ensuite le battoir une sorte de raquette pleine en bois. Sport professionnel sous François Ier, popularisé par Henri IV, il perd de son prestige sous Louis XIV qui lui préfère les jeux de société. Les spectateurs regardaient les joueurs bondir depuis de longues galeries. D’où l’expression « épater la galerie ». De même ,« qui va à la chasse… » fait référence à une règle de ce jeu selon laquelle le serveur obtient une position dite favorable après avoir marqué un point appelé la chasse.
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En 1415, le duc d’Orléans est emprisonné pendant deux décennies en Angleterre, où il introduit le jeu de paume. Quatre siècles plus tard, le descendant du chatelain des lieux, Walter Clopton Wingfield, adapte ce sport sur herbe. Ainsi naît le tennis, baptisé Lawn Tennis (tennis sur gazon) par les Anglais, tandis que le jeu de paume prend le nom de Real Tennis (vrai tennis).
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Le Major Wingfield est l’instigateur d’un kit, un coffre contenant tous les éléments indispensables à une partie de tennis, des raquettes au filet, en passant par les balles…
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Oui, pour rappeler que Roland Garros était avant tout aviateur. Sa devise inscrite en lettres d’or : « La victoire appartient au plus opiniâtre ».
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Suzanne Lenglen dispute son premier tournoi senior en 1912, à l’âge de 13 ans. Un an plus tard, elle joue en double avec Anthony Wilding. Sacrée championne du monde sur terre battue à Saint-Cloud en 1914, elle continue de s’entraîner pendant la guerre avec ses amis ou des officiers de retour du front. Grand come back à Wimbledon en 1919, où elle terrasse son aînée Dorothy Lambert Chambers, à la surprise générale. Nombre de victoires s’ensuivent jusqu’en 1926.
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Avant de designer des chemises, René Lacoste jouait au tennis. Pour perfectionner sa technique, il mit au point cette machine révolutionnaire qui favorise encore l’ entraînement de nombreux tennismen.
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On doit aussi à Lacoste l’invention du grip. Un jour, alors que son manche glissait sous l’effet de la sueur, il eut l’idée de l’envelopper de ruban adhésif.
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De droite à gauche : raquette de paume (1625), raquette Gyles Bros LTD « Club » (1895), raquette Dunlop (1960), raquette Wilson « T2000 » (1970), raquette Prokennex « Fiber Ace » (1995)…
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Qui sont-ils ? Jean Borotra (1898-1994), Jacques Brugnon (1895-1978), Henri Cochet (1901-1987) et René Lacoste (1904-1996), respectivement surnommés, le Basque bondissant, Toto, le Magicien et le Crocodile. Quatuor vainqueur de la Coupe Davis, en 1927, ils pulvérisent alors les État-Unis, indétrônables depuis 1920. C’est alors qu’est prise la décision de construire un stade en France pour abriter une revanche très attendue, le stade Roland Garros.
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À la sortie, se dressent quatre colonnes contenant des échantillons de terrains de tennis. L’Australian Open et l’US Open se composent d’acrylique bleu et de caoutchouc. Wimbledon est connu pour l’entretien de son gazon. Et Roland Garros se distingue comme le seul tournoi du Grand Chelem sur terre battue.
Les expositions temporaires
Dans la galerie qui mène aux manifestations temporaires cohabitent quelques œuvres de Juan Uslé à qui l’on doit notamment l’affiche Roland Garros 2014. À ce propos, qui est Roland Garros ? Un tennisman, pense-t-on instinctivement. À tort : celui qui prête son nom au plus grand tournoi de France maniait moins la raquette que la bicyclette. Sportif dans l’âme, il grandit seul à Paris dès l’âge de onze ans, loin de ses parents restés à la Réunion. Ainsi débute l’exposition « Moi, Roland Garros », montée au printemps 2013, c’est-à-dire cent ans après la traversée de la Méditerranée par ce grand aviateur. En effet, en 1909, Roland Garros que son père destinait à devenir avocat, se découvre une passion pour les machines volantes. Le jeune homme achève sa formation aux États-Unis, et rentre en France pour participer aux trois grandes épreuves de l’année 1911, le Paris-Madrid, le Paris-Rome et le Circuit européen. Médaille d’argent au terme des trois courses, il reçoit le surnom de « L’Éternel Second ». Ses exploits lors du circuit d’Anjou, un an plus tard, lui valent pourtant d’être rebaptisé par la presse « le champion des champions ».
La visite se poursuit “comme sur des roulettes”. C’est le cas de le dire puisque les murs de cette grande salle dévolue à Garros se révèlent amovibles. Le musée de la FFT abritant concerts, cocktails et récitals durant le tournoi a le devoir d’optimiser son espace. Parmi ces panneaux ambulants, un cartel imprimé sur un pilier fixe force l’attention. C’est là que se voit évoquer la traversée de la Méditerranée par Roland Garros, en 1913. On se retourne pour apprendre les circonstances de sa mort, peu avant la fin de la Première Guerre Mondiale. Plus loin, en évitant quatre fauteuils, on découvre son ancrage dans le milieu artistique. Cocteau lui écrit des poèmes, Bugatti lui fabrique une voiture… Mais alors pourquoi le nom de Garos revient-il finalement à un tournoi de tennis ? C’est un hommage qu’exige son ancien camarade de HEC, Émile Lesieur, lors de la construction du stade destiné à accueillir les épreuves de la coupe David, en 1928. « Je ne sortirai pas un sou de mes caisses si on ne donne pas à ce stade le nom de mon ami Garros ». Un point commun entre les deux hommes : la détermination.
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Galerie consacrée à l’univers du peintre espagnol Juan Uslé.
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Version qui n’a pas été retenue par la FFT. © Joan Miro – Galerie Juan Uslé 2014.
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Version officielle avalisée par la FFT. © Joan Miro – Galerie Juan Uslé 2014.
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La première personne en exergue met l’accent sur l’homme, sa vie, indépendamment du tournoi qui porte son nom.
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Né à la Réunion, Roland Garros grandit seul à Paris à l’âge de 11 ans. Une précocité qui en fait un autodidacte acharné. Ses passions : le football et le cyclisme.
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À droite, la genèse de sa passion pour l’aviation, le récit de son triple échec en 1911. À gauche, l’histoire de son ascension.
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En 1912, Roland Garros se distingue comme l’un des rares survivants du circuit d’Anjou. De là, son nouveau surnom : “le champion des champions”.
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Foyer de nombreux événements, le musée de la FFT se voit parfois obligé de déplacer ses panneaux d’exposition.
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En 1913, Roland Garos se prépare à devenir le premier homme à traverser la Méditerranée en avion, depuis la France jusqu’à l’Afrique.
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Malgré quelques difficultés techniques, il atterrit à Bizerte accomplissant ainsi un exploit mémorable.
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En tant que Réunionnais, rien n’obligeait Roland Garros à s’engager dans l’armée française. Sous-lieutenant pendant la Première Guerre Mondiale, il est le premier aviateur à utiliser un dispositif permettant de tirer à travers le champ de son hélice. Fait prisionnier après une panne fortuite, il s’échappe, refuse le poste de conseiller que lui propose Clemenceau et repart au front dont il ne reviendra malheureusement jamais. Si aucun Allemand ne revendique de victoire sur le pilote français, celui-ci aurait disparu la veille de son trentième anniversaire. Frustrant.
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En 1913, le constructeur d’automobiles italien Ettore Bugatti, fasciné par le moral d’acier de l’aviateur, baptise l’un de ses modèles “La Roland-Garros”.
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Quelle destinée pour Roland Garros ? Les travaux prévus pour couvrir les courts central et annexes ne vont-ils pas chambouler la vie du stade ? Seul l’avenir nous le dira.
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Le rôle qu’a joué le sous-lieutenant Roland Garros pendant la guerre constitue une parfaite transition avec la seconde exposition temporaire. Intitulée « Lignes de front. Le tennis en 14-18 », cette rétrospective raconte les destinées, tantôt tragiques tantôt heureuses, de douze champions français et étrangers, témoins du premier conflit mondial. Quatre grandes parties, pour ce faire. À gauche, tout de suite en rentrant, un coin réservé à la guerre en tant que telle. Le pan de mur suivant explique comment le tennis est devenu à la fois un exutoire et une façon pour les soldats d’entretenir leur corps. Il existait déjà à l’époque des tournois opposant officiers et blessés de guerre, les prémices d’Handisport en quelques sorte. À l’arrière, les femmes s’émancipent en prenant progressivement la place des hommes. Suzanne Lenglen (1889-1938) perfectionne alors son jeu. De même, l’Américain William Tilden (1893-1953), indétrônable avant le passage des Mousquetaires aux US, en profite pour s’améliorer. Il est question, enfin, de quelques disparitions, notamment celle du numéro 1 mondial Anthony Wilding (1883-1915), touché par un obus en 1915. Au cœur de la salle, les silhouettes de cinq joueurs accompagnent le spectateur dans sa visite. « Nous voulions les rendre plus présents », déclare la documentaliste Claire Venambre. Une initiative qui, conjuguée à la bande-son, s’avère réussie. Les chansons de guinguette annonçant les années folles, les échanges de balles de tennis…et de fusils, favorisent ce voyage dans le temps rondement mené. L’un des partis pris de la scénographe Stéphanie Vareillaud a d’ailleurs été d’allier, sur les murs, des cercles bleus rétablissant le contexte général, et des cercles verts restituant un à un l’histoire du tennis. À voir.
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Quel meilleur moyen pour honorer la mémoire de ces grands champions que les inclure dans le décor ?
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Quelques affiches pour rappeler le contexte politique de 1914.
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… la France ne s’illustrait dans aucun sport en particulier. La guerre aurait-elle initié l’Hexagone au tennis ?
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… en quelque sorte. Il arrivait qu’officiers et soldats organisent de véritables tournois sur le front.
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Des casques d’époque, associés à une année sculptée en métal, rythment le parcours d’exposition.
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certains joueurs tels Suzanne Lenglen et William Tilden s’entraînent sans relâche.
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Le 24 mars 1916, le Sussex, un ferry français, est torpillé par la flotte allemande. L’incident emporte près de cinquante passagers, dont le tennisman Manliff Goodbody, à qui Suzanne Lenglen rend hommage dans cet article paru dans la revue “La Vie au grand air”.
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Au lendemain de la guerre, les Alliés excluent les pays vaincus de leurs compétitions sportives. Une règle qui a empêché le joueur allemand Otto Froitzheim, par exemple, de devenir une tête de série mondiale.
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Face au problème d’approvisionement, les soldats inventent une grenade artisanale. Une planchette de bois pour un gain de portée, un tuyau de chauffage contenant poudre, clous ou gravier, un ruban adhésif en toile fermant la gaine et l’amorce, une mèche… Le pétard-raquette est prêt. © Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux / D. Pazery.
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Au sortir du combat, on encourageait les soldats meurtris à pratiquer une activité physique. En d’autres termes le sport était prescrit par la plupart des médecins. D’où le nom de ce ballon, “The Medicine Ball” (la balle médicinale). © Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux.
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On sort par l’entrée.
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À droite en sortant, face à l’exposition permanente se trouve la bibliothèque du musée, où l’on peut d’ailleurs consulter le mémoires de Roland Garros.
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À droite, une vitrine de raquettes ; en haut, une mosaïque de photos réunissant tous les champions couronnés à Roland Garros.
Musée de la Fédération Française de Tennis
Stade Roland Garros
2, avenue Gordon-Bennett
75016 Paris
Ouvert de 10h à 18h les mercredis, vendredis, samedis et dimanches (TOUTE L’ANNÉE et non pas seulement durant les deux semaines de tournoi)
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