Son mythe traverse les âges. Comment ? Pourquoi ? C’est la question qui résonne aujourd’hui entre les murs Pinacothèque de Paris.
On le rappelle peu souvent, mais Cléopâtre Thea Philopator (69 av. J.-C.- XXX) porte le numéro 7. Un chiffre qui en fait la dernière reine de l’Egypte ptolémaïque. Ptoléma… quoi ? Fille de Ptolémée XII, elle accède au trône à l’âge de dix-huit ans aux côtés de son frère, et bientôt époux, Ptolémée XIII, alors âgé de huit ans seulement. Foin de l’inceste et de l’écart d’âge à l’époque ! Et pour cause, à la mort du roi, fomentée par sa propre sœur Arsinoé, Cléopâtre est remariée à son autre cadet Ptolémée XIV, alors même qu’elle entretient une relation avec le général romain Jules César. De son union adultérine naît d’ailleurs Césarion, alias Ptolémée XV. Liaison stratégique ? La même question se posera plus tard lorsque que la reine d’Egypte entrera dans les grâces, soit dans la couche de Marc Antoine. À ceci près qu’elle suivra ce dernier dans la mort. Le suicide de Cléopâtre après la bataille d’Actium – où les troupes d’Octavien eurent raison de son amant – est d’ailleurs devenu un topos de la littérature et de la peinture.
Une vie aussi complexe ne pouvait donner lieu qu’à une exposition très, voire trop riche. Un risque que Marc Restelleni, directeur de la Pinacothèque, a savamment contourné en découpant le parcours en une section archéologique, véritable plongée dans le contexte historique, et une partie culturelle réservée à la postérité et la transversalité du mythe de Cléopâtre.
Cléopâtre double-face
Beaucoup d’encre a coulé sur cette figure majestueuse de l’Égypte ancienne. Si les versions varient à son sujet, toutes s’accordent sur un point, la singularité de son profil. « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé », décrétait Pascal (Pensées, 162). Un fantasme repris par Panoramix, le fameux druide d’Astérix et Obélix et auquel les statues exposées ne rendent pas toutes justice, soit parce l’érosion les a défigurées, soit parce qu’Octavien ordonna de détruire toutes les effigies de la reine une fois la guerre à Marc Antoine déclarée.
Hormis ce trait distinctif, la belle égyptienne oscille entre des portraits extrêmement contradictoires. Si Dante et Bocage la traitent de « putain », les historiens actuels la voient comme une stratège de génie luttant uniquement pour l’indépendance de son pays. Les uns la présentent comme une femme fatale ; les autres, comme la victime des généraux romains. Elle a la peau tantôt blanche, tantôt mate, voire noire selon les représentations.
Cléopâtre et au-delà
Bien que frustrant, le flou qui auréole son physique nourrit sa notoriété. Ainsi, revêtant une apparence différente sous le pinceau de chaque peintre, ou les traits d’actrices célèbres, Cléopâtre a survécu au fil des siècles dans la mémoire collective. C’est ce que montre la Pinacothèque 1 à travers quatre salles consacrées tant à la peinture, aux accessoires, à l’opéra qu’au cinéma. Passés une dizaine de toiles figurant le suicide de la reine, un aspic à la main, et un cabinet aux éventails arborant la même scène, des extraits de films et de reportages relatant la vie de Cléopâtre laquelle prend corps dans la toute dernière salle d’exposition. Là, parmi les costumes portés par Élyzabeth Taylor dans le film Cléopâtre de Joseph Mankiewicz (1963), se tient la robe torsadée qui colle à la peau de Monica Bellucci dans l’Astérix et Obélix d’Alain Chabat (2011). Cléopâtre, un produit marketing ? Cléopâtre, super star ? L’exposition de la Pinacothèque
“Le mythe Cléopâtre”, du 10 avril au 7 septembre, Pinacothèque, Paris
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