EXPOS-HCB

A,B,C… H. C.-B.

Vous rêviez de tout savoir sur Henri Cartier-Bresson ? Eh bien le Centre Georges Pompidou vous propose d’explorer sa carrière de A à Z. Jusqu’au 9 juin prochain.

 

 

Nul n’entre ici s’il n’est géomètre. Telle aurait pu être la devise d’Henri Cartier-Bresson, célèbre pour la précision de ses cadrages. Sur le fond, le Centre Georges Pompidou semble avoir fait sienne la formule platonicienne ; mais sur la forme, comme bien souvent, le musée s’égare. Construite selon un axe chronologique, sa dernière rétrospective souffre néanmoins d’un trop-plein d’espace. De quoi troubler le trajectoire des visiteurs…

A priori, s’il est question de retracer la vie d’un homme, aucun obstacle ne devrait en interrompre le récit. Et pourtant, au Centre Pompidou, on a beau lire consciencieusement les cartels, on finit toujours par se perdre. Une constante qui a son charme pour certains ; et le don d’en exaspérer d’autres. Passée la première salle de la Galerie 2, on reprend le fil que l’on avait perdu dans la confrontation d’œuvres issues de collections différentes. Il faut en effet attendre la fin de l’exposition pour comprendre ce que Cartier-Bresson faisait au Mexique dans les années 1930, aux États-Unis, quelques années plus tard, et ainsi de suite.

Premier grand thème abordé : l’affiliation de ce globe-trotter notoire au surréalisme, étape obligée. De Breton et de toute la bande, le grand reporter hérite la pratique de l’« exposante-fixe », jouant sur la perception d’un objet à la fois mobile et statique ; une certaine fascination pour la « magique-circonstancielle », sorte d’illusion d’optique fortuite, qu’illustre parfaitement le cliché (cf. rubrique PICTO) d’un nœud de serviette remplaçant la tête d’une femme ; et l’habitude de défigurer les corps, comme en témoigne le flou aqueux dont s’enveloppe ci-dessous la silhouette de Leonor Fini.

Leonor Fini vu par HCB, 1933

Leonor Fini vu par HCB, 1933

S’ensuit l’évocation de ses voyages, l’occasion de rappeler l’ambiguité de leur enjeu, aussi bien personnel que professionnel. Communiste et fier de l’être, le photographe part en Espagne soutenir les rebelles républicains ; à New York s’initier au septième art, avant de devenir, en France, l’assistant de Jean Renoir ; en Angleterre immortaliser le couronnement du roi George VI ; en Inde rencontrer Gandhi juste avant son assassinat ; à Cuba, au Japon….

 

Si l’on se laisse volontiers porter par ce courant biographique, on n’en demeure pas moins éconduit par l’enchaînement labyrinthique des salles. Sobre, voire épurée, la scénographie ne manque pas d’incohérences. L’uniformité des lieux inspire autant de respect que de confusion. Rien de plus beau, en effet, que cet assemblage de cadres noirs sur fond gris pastel ; il arrive toutefois que l’on se trompe de direction. Et quand ce ne sont pas les ellipses temporelles qui nous remettent dans le droit chemin, c’est le bon sens. Ainsi comprend-on que la fin de la visite approche grâce au caractère cyclique de l’existence. La rétrospective se clôt comme elle a commencé, sur le dessin, premier amour d’Henri Cartier-Bresson. « J’ai toujours eu une passion pour la peinture. Étant enfant, j’en faisais le jeudi et le dimanche, j’y rêvais les autres jours. » Face à la maestria de l’artiste, une question se pose : pourquoi avoir si longtemps délaissé la couleur ? Pour privilégier la symétrie des contours. La boucle est bouclée.

 

“Henri Cartier-Bresson”, du 12 février au 9 juin, au Centre Georges Pompidou

 

ÉCOUTER AUSSI : l’enregistrement lié à cet article, sur le rapport d’Henri Cartier-Bresson au trait et à la couleur.