Il y a bien longtemps dans une ville lointaine, très lointaine… un réalisateur célèbre rêvait de construire un musée. Malheureusement, ce rêve fut récemment esquinté par une bande de protectionnistes mal lunés. Ainsi, la guerre d’une étoile est née.
Quelques mois après avoir cédé sa société Lucasfilm à Disney, George Lucas s’est attelé à la réalisation d’un nouveau projet, la construction d’un musée dédié à l’art du storytelling. Où ? Au Presidio de San Francisco. Un choix on ne peut plus logique étant donné ses racines californiennes. Face à la résistance de la société propriétaire du parc, le père de Star Wars a toutefois préféré se rabattre sur la ville de Chicago, plutôt que celle de Los Angeles, elle aussi en lice. Ce faisant, il ignorait que l’histoire allait, à peu de chose près, se répéter. Pourquoi tant de haine ?
Les menaces fantômes
Il est vrai que le projet souffrait de quelques zones d’ombres mais méritait-il pour autant d’être tué dans l’œuf ? Ville natale de Mellody Hobson, alias Mme. Lucas, Chicago passait aux yeux de beaucoup pour la roue de secours du réalisateur.
À cette amertume s’ajoute un tissu d’incompréhensions. Présenté à San Francisco comme un musée dédié aux « arts culturels », le Lucas Museum s’est tourné, pour Chicago, vers un « art narratif », un concept que le site du musée définit en ces termes : « Si une image raconte une histoire, si un certain nombre de personnes aiment votre travail, alors on peut parler d’art ». De là la cohabitation, au sein d’une collection encore en gestation, de supports extrêmement variés, d’amphores antiques à des posters de pinups, en passant par des toiles de Bellows, Benton, Renoir et Remington. En d’autres termes, l’art narratif résonne comme un terme fourre-tout.
Autre handicap : l’impopularité du maire Rahm Emanuel n’a pas aidé Lucas à redorer son blason. Les fans de Star Wars n’ont en effet pas apprécié que « Chewbacca » tombe entre les mains de la souris noire aux grandes oreilles. Enfin, d’aucuns lui reprochent de ne pas s’être suffisamment impliqué dans la promotion de son musée. Le réalisateur n’a évoqué son projet muséal qu’une fois, durant la ChicagoIdeas Week, enoctobre 2014.
Pourtant, ces réticences font pâle figure à côté des attaques lancées par l’association Friends of the Parks.
L’attaque des clowns
L’emplacement était tout trouvé. Le musée allait être construit entre Soldier Field et McCormick Place. Les plans étaient arrêtés. L’Atelier MAD, cabinet d’architectes basé en Chine, allait donner au bâtiment l’allure d’une immense montagne immaculée. Il fallait un président et un directeur adjoint. Don Bacigalupi entra en fonction, en septembre 2014, suivi, l’année d’après, par Judy Kim. Le projet prenait tout doucement corps, quand les redoutables Friends of the Parks décidèrent d’intenter un procès au Chicago Park District, ainsi qu’à la ville de Chicago elle-même, lesquels venaient de signer un accord avec Lucas. Cet accord, selon eux, aurait dû être approuvé par l’état de l’Illinois, et non par la ville seulement, en vertu du principe de Public Trust. Autrement dit, l’édification d’un musée privé sur une propriété publique allait à l’encontre de l’intérêt général. Les résidents n’auraient aucun pouvoir sur la gestion de l’établissement et, surtout, le caprice de Lucas appelait la destruction d’un terrain de parking.
À l’encontre de l’intérêt général ? Quid des autres musées à proximité (le DuSable Museum, le Museum of Science and Industry, le Smart Museum, pour n’en citer que quelques uns, forment le Museum Campus, au sud de Chicago, ndlr) ? C’est vrai que Lucas n’avait pas proposé, pour remercier la ville, de financer la construction d’un pont qui relierait son site à Northerly Island, la péninsule artificielle se trouvant juste en face… C’est vrai que sa programmation comprenant cours magistraux, formations diplômantes, et projections de films, n’avait rien d’exceptionnel… C’est vrai qu’un musée ce n’est pas grand chose à côté d’un parking… Le maire, le Park District, la législature, tous soutenaient Lucas. Plusieurs hommes d’église, dont le Révérend Michael Pfleger, prirent ouvertement sa défense. Dix directeurs de musées, dont l’Art Institute de Chicago, finirent par signer une pétition en sa faveur. Mais non. Ces « Amis du Stationnement » n’avaient rien de mieux à faire que le traîner devant la cour fédérale. Las de ces complications, Lucas finit par tirer sa révérence.
La revanche du site californien
Et maintenant ? À Chicago, impossible d’arracher un commentaire à qui que ce soit. Le sujet est, de toute évidence, tabou. Tout le monde souhaite visiblement enterrer cette histoire.
Quant à Don Bacigalupi, lui qui avait acheté une maison de 700 mètres carrés pour 2 725 millions de dollars à proximité de son futur lieu de travail, il se retrouve dans l’obligation de déménager. Le contrat de vente fut signé exactement six jours après que Georges Lucas eut battu en retraite. Piètre timing ! Le président devrait remettre sa propriété en vente prochainement.
D’ailleurs, sera-t-il toujours en place à présent que Lucas a repris les négociations avec la Californie ? Où en Californie exactement ? Le Lucas Museum of Narrative Art gardera-t-il le même nom, une fois délocalisé ? Sera-t-il toujours consacré à l’art narratif, quoi que ce soit, ou aux « arts culturels », conformément à la proposition avortée à San Francisco ? Qu’en sera-t-il de l’architecture ? Une autre association essaiera-t-elle de contrarier George Lucas et son rêve à 750 millions de dollars ? Espérons que non. En attendant, que la Force soit avec lui.
À suivre…
Sarah Belmont
Who framed George Lucas?
A long time ago in a city, far, far away… a famous movie director had a dream. Yet this dream was countered by a group of grumpy protectionists. Just like that, the star’s war began…
A few months after selling Lucasfilm to Disney, George Lucas set his mind on a new project, the creation of a museum entirely devoted to the art of storytelling. Where? Originally, the California-born director was considering the Presidio Park in San Francisco, but the trust which oversees the park eventually turned down his plans. Lucas then picked Chicago, over Los Angeles, also competing for his favors. But what the Star Wars creator did not know, is that the story was about to repeat itself. What could justify such hardship?
Random Menaces
Sure, the project was not flawless, but did it deserve to be nipped in the bud? The Windy City, Mellody Hobson’s hometown, was not Lucas’s first choice, which caused bitterness on top of greater misunderstandings.
The Lucas Museum was pitched as a “Cultural Arts” museum to San Francisco, and as a “Narrative Art” museum to Chicago. Both concepts are equally unclear. Here is how the museum’s website define the latter:“if you can tell a story in your picture, and if a reasonable number of people like your work, it is art”. No doubt this definition explains why Lucas’s ongoing collection will feature as various categories as illustration, children’s art, photography, pin-up art, comic art, and fine art by painters including Bellows, Benton, Renoir and Remington. To most people however “Narrative Art” sounds like a catch-all expression.
As for Mayor Rahm Emanuel’s unpopularity, it certainly did not help Lucas restore his shaky reputation. Star Wars fans, for example, did not appreciated Chewbacca’s falling into Mickey Mouse’s hands. And if there was to be a “Lucas” Museum, Lucas himself might have taken a more active role in its promotion. The movie mogul only mentioned the project once, during the ChicagoIdeas Week, in October 2014.
Those mixed criticisms are yet nothing compared to Friends of the Parks’ harsh attacks.
Attack of the Clowns
Find a location: check! The museum was to be built between Soldier Field and McCormick Place. Select a designer: check! China-based MAD Architects came up with the idea of a bright white mountain-looking building. Name a Founding President: check! Don Bacigalupi was appointed in September 2014. Hire a Deputy Director: check! Judy Kim joined the slowly growing team a year later. The project was shaping up, when Friends of the Parks decided to file a lawsuit against the Chicago Park District and the City of Chicago, which had just signed an agreement with George Lucas. The group strongly argued that this lease agreement needed to approved by the state legislature and not the city only, because the site was public trust property. In other terms, building a privately held museum was not in residents’ best interests. They would have had no part whatsoever in the museum administration. Plus, Lucas’s whim implied the destruction of a perfectly viable parking lot.
Not in residents’ best interests? What about the rest of Museum Campus? Adler Planetarium, Shedd Aquarium, Field Museum of Natural History, Soldier Field… Are they also a nuisance to the city? And had not Lucas offered, as a token of his gratitude, to fund a bridge to connect Chicago’s Lakefront to the recently resurrected Northerly Island? Not to mention his education program, including public lectures, daily film screenings, academic classes… Is not a museum more valuable than a parking lot? The mayor, the Chicago Park District, the legislature, they were all 100% behind Lucas. Even Father Michael Pfleger took a stand in his favor. Ten Chicago museum directors, among whom the head of the Art Institute, ended up defending the movie director in an open letter. Still not good enough for those “Friends of the Parking Lot” who had nothing better to do than take the matter to federal court. Weary of this turmoil, Lucas chose to withdraw from Chicago.
Revenge of the Californian Site
And now what? No comment. In Chicago nobody is willing to discuss this heartbreaking loss. It seems that everyone wishes to leave the story behind.
Don Bacigalupi, who had paid $2.725 million to buy a four-level, 7,600-square-foot brick mansion in east Lincoln Park, is compelled to move out. His purchase closed six days after it was announced that the museum would no longer consider Chicago a potential site. Call it poor timing! The Founding President should shortly place the mansion back on the market.
Is he still in office, by the way, now that Lucas has resumed negotiations with California? Where in California? Will the Lucas Museum of Narrative Art bear the same name, once relocated ? Will it focus on Narrative Art, or on Cultural Arts, as it initially failed to materialize? Any changes in the design? Will some other group try to crush Lucas’s $750 million dream again? Let’s hope not. In the meantime, may the Force be with him.
To be continued…
Sarah Belmont