La foire d’art moderne et contemporain Art Chicago, devenue « Expo Chicago », a failli disparaître. La 5e édition de sa nouvelle formule ouvre sur le célèbre quai Navy Pier fin septembre.
La jetée venait tout juste d’être restaurée, à l’initiative du maire Richard Joseph Daley, soucieux de relancer l’activité de Navy Pier pour le bicentenaire des États-Unis (1976). À cette époque, le monde ne comptait que peu de foires d’art contemporain : Art Basel à Bâle, Art Cologne et la Fiac (Foire internationale d’art contemporain) à Paris. Vers la fin des années 1980, l’Amérique du Nord connaît une période de récession économique, l’art se vend moins, plusieurs galeries font faillite. En 2006, l’année où la Fiac retourne au Grand Palais, la foire chicagoane, bien que déplacée dans le centre-ville (Grant Park), se meurt à petit feu (94 exposants contre 200 en 2000). Elle est sauvée, de justesse, par le Merchandise Mart, une grande entreprise de vente au détail et en gros. La foire américaine, désormais installée au nord de la côte (North Side), se fond dans d’autres manifestations, la Next Exhibition et l’International Antiques Fair. Mais cette alliance se révèle catastrophique pour Art Chicago. « Le Merchandise Mart n’avait pas grand intérêt pour l’art. Il s’agissait juste de faire du business. Sa clientèle achetait des toiles comme des meubles », explique Tony Karman, artisan de la renaissance d’Art Chicago sous le nom d’« Expo Chicago ». « J’ai voulu lui redonner ses lettres de noblesse. Le Mart, qui détient six autres foires dans le monde, à New York, Toronto, Los Angeles ou Bâle, a laissé dépérir le seul événement qui se tenait dans sa propre ville. Un comble ! Vice-président de ce désastre, j’ai décidé de monter une foire en parallèle. À peine avais-je annoncé mon projet que le Mart, qui menaçait de fermer la foire en 2012, s’est incliné. »
Rapatrier la foire dans son environnement d’origine, sur le Navy Pier
La stratégie de Tony Karman pour redorer le blason d’Art Chicago a consisté à réfléchir à son emplacement, à ses espaces, à l’image de la foire, à la concurrence et aux dates de sa programmation. Première décision : rapatrier la foire dans son environnement d’origine, Navy Pier, devenue au fil des années, avec ses théâtres, sa grande roue, une sorte de parc d’attraction urbain. La jetée évoque qui plus est l’âge d’or de la foire. « Certains se souviennent encore des murs décrépis que l’on recouvrait de toiles monumentales. »
La deuxième idée de Karman est de solliciter Jeanne Gang, l’architecte phare de Chicago. C’est elle, l’auteure de la fameuse Aqua Tower, qui a ressuscité les vastes étendues de Northerly Island et c’est elle aussi qui œuvre à la construction de la future « Vista Tower ». Il fallait aussi hausser le niveau des œuvres exposées. C’est cette exigence qui a aidé Art Chicago à attirer plusieurs grandes galeries internationales (Perrotin, Pace, David Zwirner…) et à se développer – la foire est passée de 27 000 à 35 000 visiteurs en trois ans. « Nous ne sommes plus dans les années 1980, où les foires se comptaient sur les doigts d’une main. Aujourd’hui, la concurrence nous oblige à innover. » D’où le lancement, cette année, d’une VIP room. Quant à Expo Vidéo, attachée à Art Chicago, elle sera divisée en deux nouvelles sections, sous la houlette de Daria de Beauvais, commissaire au Palais de Tokyo. Dernière décision, et non des moindres : changer les dates et passer de mai à septembre. « D’autres foires ont lieu au printemps. Artistes et galeristes ne peuvent se trouver à deux endroits différents à la fois, et nous voulons les meilleurs dans nos stands. » Enfin, septembre est la meilleure période pour être à Chicago. Les gens rentrent de vacances, il fait encore beau…