C’est la première rétrospective française consacrée à l’artiste allemand depuis 1969. « Année érotique ». Comme certains de ses dessins. Pourtant, son œuvre est tellement prolifique qu’il nous aura fallu trouver une autre porte d’entrée.
La clef de voûte
… de l’exposition est l’ironie, une ironie que la commissaire Angela Lampe qualifie ouvertement de romantique. Ce thème se décline en 230 œuvres, elles-mêmes réparties à travers sept sections. Le spectateur tombe d’abord nez-à-nez avec deux autoportraits de Paul Klee, l’un en moine, l’autre en acteur. « Nul n’a besoin d’ironiser à mes dépens, je m’en charge moi-même » (1906). Telle était la devise de l’artiste qui se mettait en scène dans sa peinture et qui s’engagea, dès ses débuts, dans la voie de la satire. Aussi la première salle est-elle peuplée d’esquisses aux accents caricaturaux. De l’auto-dérision, illustrée plus loin par des marionnettes que Klee réalisa à partir de 1916 pour son fils Félix, on passe à un mépris plus général des règles. Klee incarne à la fois le respect du « principe et la transgression du principe », un peu comme si la création chez lui devait passer par la destruction. Sa période cubiste (1910) consiste à ranimer des figures qu’il jugeait dépourvues de vitalité. De même, dix ans plus tard, il emprunta au constructivisme certains éléments formels, tout en les dépouillant de leur rigidité.
La clef des champs
Comme nombre de ses homologues, Paul Klee trouva son inspiration dans les voyages. En Italie (1901-1902), il réalisa qu’il était, en tant qu’artiste, condamné à imiter ses prédécesseurs. Un an plus tard, il prit des cours de nu à Berne. En 1911, il s’initia au cubisme à Munich, qu’il explora en profondeur à Paris, une année après. Son séjour en Tunisie, en 1914, ne cessa de nourrir sa créativité. D’où la section « Regards en arrière », qui renvoie à la nostalgie qui frappa Paul Klee durant ses dernières années au Bauhaus. Exilé en Suisse à l’orée de la Seconde Guerre Mondiale, il trouva la mort dans un hôpital à Locarno.
La clef de fa
La musique qui joue un rôle-clef (c’est le cas de le dire) dans l’œuvre de Paul Klee, apparaît comme la grande absente de l’exposition du Centre Georges Pompidou, laquelle se veut un hommage à feu Pierre Boulez. Bémol mineur, malgré les apparences. Fils de musicien, Klee chercha à unir peinture et musique dans un rythme dit « pictural », qui éclata dans sa tête alors qu’il enseignait encore au Bauhaus. Pas de Polyphonie(s), Rythme plus strict et plus libre, Mesure individualisée des strates en vue. Seulement deux toiles traitent a priori du quatrième art. Le pianiste en détresse (1909), c’est certain. En revanche, si les traits noirs et épais qui occupent le centre de L’archange ressemblent pour la plupart à des notes ou à des signes prédestinés à une portée, ils découlent en réalité de la calligraphie islamique. Mauvaise pioche. Voilà ce qui arrive, quand on se berce d’illusions. L’impasse sur la musique a beau témoigner d’une grande rigueur scientifique (à bas les hors-sujets !), elle surprend. Surtout de la part d’un établissement qui proposait, il n’y a pas si longtemps (du 10 octobre 1985 au 1er janvier 1986), un projet intitulé « Klee et la musique ». Ironique, non ?
Paul Klee. L’ironie à l’œuvre, jusqu’au 1er août 2016. Centre Georges Pompidou, Paris.
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