EXPO-Tudors

Les Tudors : sexe, poses au Sénat

Pour historiens et zappeurs, cette exposition est cousue de fil blanc. Pour les béotiens de notre espèce, elle suit un fil rouge d’une richesse telle qu’il en devient or. Un trésor de clarté et de beauté.

 

Henri VIII succède à Henri VII ; et Marie Ier, à Edouard VI. Quant à Elisabeth Ier, son célibat met fin à la dynastie anglaise. Rien de nouveau sous le soleil. Il pleut dehors. À l’intérieur, pourtant, personne ne dort ; pas même les experts à qui cette exposition donne sinon du, au moins, un fil à retordre. Où est la limite entre réalité et fiction ? Telle est la question qui se pose tout le long. Heureusement, le propos des commissaires est si bien construit que l’on sort indemne du labyrinthe généalogique des Tudors. Ou presque, étant donné les connaissances engrangées durant le parcours. Les supports sont si variés que même le visiteur ignare finit par développer une forme de savoir. Ou de goût. Vivants, les portraits jouent un rôle-phare dans cet océan historique. On s’y jette donc à corps perdu puis, de nouveau, le cœur mordu d’avance.

« S » comme sexe

Signal de détresse : que vient faire ce « s » à la fin d’un nom propre ? Les Simpsons, les Sims, les Jones… Si la règle anglaise prévaut, la grammaire française riposte par un jeu de mots : « Tu dors » ? Impossible tant la saga est trépidante. Dans la famille Tudor (au singulier, cette fois), on demande Henri VII (1457-1509). De son union avec Élisabeth York (le couple aurait servi de modèle à la lignée des Lannister et des Stark. Pardon, des Lannisterssss et des Starkssss, dans Game of Thrones) sont nés l’emblème de la dynastie, une rose rouge fondue dans une rose blanche, et quatre enfants. Parmi ses descendants, Henri VIII (1491-1547), le coureur de jupons. Outre les maîtresses, le monarque collectionnait les épouses. Catherine d’Aragon, veuve de son frère Arthur ; Anne Boleyn, pour qui il a rompu avec l’Église ; Jeanne Seymour, morte en couches ; Anne de Clèves, répudiée en 1540 ; Catherine Howard, décapitée en 1542 ; et Catherine Parr, qui lui a survécu. Édouard VI (1547-1553) lui a succèdé avec la hantise de voir sa belle sœur catholique, Marie Ier (1516-1558), endoctriner le peuple. Ce qu’elle fera en accédant, en 1553, au trône. Such a drama queen ! Comme on dit en anglais. Surnommée « La sanglante », celle-ci a fini par s’attirer les foudres de la foule en épousant Philippe II d’Espagne, l’« étranger ». Dernier atout du jeu de cette famille, Élisabeth Ier (1533-1603). Malgré ses nombreux prétendants, la « reine vierge » ne s’est jamais mariée. C’est pourtant sous son règne, que s’est répandu l’art du portrait.

tudors 1d’après Hans Holbein le Jeun, Henri VIII

« P » comme poses

Portraits crachés ? Pas toujours. Philippe II se serait dit déçu, face à la « vraie » Marie Ier. Les peintres de cour se devaient en effet la flatterie, au détriment de la ressemblance, parfois. Comment se fier aux lithographies posthumes que la vie conjugale d’Henri VIII a inspiré à Achille Devéria (1835) ? Le travail de Hans Holbein le Jeune consistait déjà à embellir le monarque de son vivant. À Guillim Scrots on doit une anamorphose du jeune Edouard VI, procédé à même d’amuser le roi-adolescent. Plus anecdotique au début du parcours, le portrait s’impose de plus en plus. Affublée d’attributs divers, Élisabeth Ier domine nettement la dernière salle. On constate toutefois que pas un tableau n’est privé d’or. Le voilà le fil conducteur de l’exposition ! Symbole de richesse, cet éclat va jusqu’à contaminer les cimaises gris foncé, principale source d’obscurité dans le musée. Les cinq monarques partagent la même pose, de trois quarts. Mise à part Edouard VI, dont on découvre le profil, à plusieurs reprises. Chacun arbore pourtant le même maintien. Point commun fidèle à la réalité de leur titre. On s’en sort donc, tête haute, en parlant de ports trait pour trait.

tudors 2Anonyme, The Darnley Portrait, 1575

Lecture / Pause 

L’exposition appelle à l’attention, si ce n’est à l’admiration, du visiteur. On est d’abord frappé par la diversité des objets présentés. À gauche, un film projeté sur une vitre dentelée introduit l’un des costumes portés par Cate Blanchett dans le film Elizabeth (1998) (avec “z”, “à l’américaine”). En face, deux statues à l’effigie d’Henri VII et de son épouse, car la première salle est consacrée au fondateur de la dynastie, cela va de soi. À ces pièces liminaires se mêlent des livres enluminés, des pièces de monnaie, des documents manuscrits, ainsi que de sublimes bijoux. Un pas en avant ; un pas en arrière. Si l’on s’arrête devant chaque cartel, légende ou objet c’est que le parcours procède d’anecdotes, de zooms, de « focus », d’encadrés plus instructifs les uns que les autres. Arrêt sur images : le musée du Luxembourg (du Luco, pour les intimes) conclue, comme on pouvait s’y attendre, sur la postérité du mythe des Tudors. Du long-métrage d’Henri Desfontaine (1912) à la série américaine (2007) de Michael Hirst (à laquelle les réalisateurs de Game of Thrones ont emprunté Natalie Dormer, alias Anne Boleyn), en passant par les textes de Victor Hugo (1828) et d’Alexandre Dumas (1883), leur rayonnement est grand.

« Tudors, j’adore ! », aurait du dire Dior.

« Les Tudors », du 18 mars au 19 juillet 2015. Musée du Luxembourg, Paris.