Lieu chargé d’histoire, les Carrières de Lumières s’illuminent sous les projecteurs de Culturespaces, retraçant ainsi cent ans de peinture viennoise.
À l’époque préhistorique, les cavernes s’ornaient de dessins ; aujourd’hui, les carrières (zone d’extraction riche en matériaux de construction, pierres, sable, minéraux…) se transforment en écrans de projection. Ainsi va le progrès. Hier, les peintres s’imprégnaient des lieux pour les reproduire fidèlement sur leurs toiles ; désormais, ce sont les œuvres de ces grands artistes qui se diffusent sur les parois rocheuses. Exploitées pour l’édification du Château et de la Cité des Baux-de-Provence, les carrières du Val d’Enfer oscillent entre le statut de ressource économique et celui de source d’inspiration artistique. Dante (1265-1321) y campe sa Divine Comédie (1555), Charles Gounod (1818-1893) y compose son opéra Mireille (1864). Subjugué par la beauté des lieux, Jean Cocteau (1889-1963) y tourne Le Testament d’Orphée (1960). En 1977, le sillon esthétique se creuse : il est venu le temps des spectacles son et lumière. Depuis plus de trente ans, maintenant. D’où le nom, hérité en 2011, de Carrières de Lumières.
Gustav Klimt, Le Baiser, 1907-1908
Cette année, les Baux-de-Provence rendent hommage à Gustav Klimt (1862-1918), ainsi qu’à ses contemporain et successeur respectifs, Egon Schiele (1890-1918), et Friedenscreich Hundertwasser (1928-200). Durée du spectacle : 35 minutes. 35 minutes où environ trois mille images habillent les gigantesques murs (jusqu’à quinze mètres de haut) des carrières. Des images numérisées et animées, pour certaines, et surtout retransmises par une centaine de vidéoprojecteurs. Le tout en musique.
Egon Schiele, Maison avec linge séchant, 1917
S’agissant de la bande-son, elle a pour vocation de coller au plus près des univers présentés. Ainsi résonnent tour à tour, au sein de ces 5 000 mètres carrés éclairés, des airs de Richard Wagner (1813-1883), de Richard Strauss (1864-1949), et de Gustav Mahler (1860-1911), entre autres. Autant de mélodies venues enrichir les émotions suscitées par la simple contemplation de chefs-d’œuvre.
Friedensreich Hundertwasser, 691 Irinaland sur les Balkans, 1969
Fiat lux
Plongée dans les ténèbres un rien angoissante. Le sol semble, par ses irrégularités, garantir une chute. C’est alors que le décor du Kunsthistorisches Museum s’esquisse progressivement sur la surface des carrières, du plafond, aux colonnes, en passant par les fresques néoclassiques signées Hans Makart (1840-1884), le peintre officiel de la maison impériale. L’ouverte tonitruante de Tannahaüser cède la place à la Schneeglöckhen-Walzer (Op. 143) de Johann Strauss (1864-1949) et à une séquence dédiée à la Sécession viennoise, dont on reconnaît quelques affiches. Qui dit Klimt, dit Le Baiser. On cherche en vain la toile de 1908, avant de se rendre compte qu’elle a été reproduite à plusieurs endroits et, partant, plusieurs échelles, puisque chaque image épouse les dimensions de la zone à laquelle elle est destinée. Place aux paysages, sur une musique de Mahler tout particulièrement appréciée des enfants (Lied Ich bin der Welt abhanden gekommen). Schiele est, lui, introduit par un concerto pour piano et orchestre. “C’est l’artiste qui nous a donné le plus de fil à retordre : nous voulions créer une atmosphère mélancolique sans pour autant plonger les spectateurs dans l’angoisse”, explique Augustin de Cointet de Fillain, le directeur du Château des Baux-de-Provence et des Carrières de Lumières. C’est enfin Hundertwasser qui, joint aux accords de Richard Strauss, clôt ce bal multimédia. En beauté, cela va de soi !
« Klimt et Vienne : un siècle d’or et de couleurs », jusqu’au 4 janvier, Carrières de Lumières, Baux-de-Provence
À VOIR AUSSI : la création de cinq minutes qui précède.