Forte de 200 tableaux répartis sur deux étages, l’exposition du musée des Beaux-Arts de Lyon revient sur la place que joue l’histoire en peinture. Présentation de l’événement en douze chefs-d’oeuvres.
Salle 1
L’exposition s’ouvre judicieusement sur une salle consacrée au peintre lyonnais Fleury Richard (1777-1852) dont le musée des Beaux-Arts de Lyon acquiert plus de 500 dessins en 1988. L’un de ses travaux les plus célèbres : cette huile sur toile figurant la duchesse d’Orléans pleurant l’assassinat de son époux, Louis 1er, par son cousin Jean Sans Peur. Inconsolable, la jeune femme se laisse mourir de chagrin après un an passé à réclamer justice ! Un drame qui révèle l’instigateur d’un genre alliant architecture médiévale et anecdote historique.
Fleury Richard, Valentine de Milan pleurant la mort de son époux Louis Orléans, assassiné en 1407, par Jean, duc de Bourgogne (1802)
Salle 2
Le succès rencontré par Fleury Richard incite ses contemporains à s’inspirer du Moyen Âge, de la Renaissance ou du XVIIème siècle. Telle cette scène dépeinte par le même Fleury Richard opposant François 1er à sa sœur, Marguerite de Navarre. Connu pour son attitude volage, le roi aurait gravé sur l’une des vitres du château de Chambord « Souvent femme varie. Bien fol est qui s’y fie. » Un épisode propice à la reproduction d’un intérieur de la Renaissance.
Fleury Richard, François 1er montrant à Marguerite de Navarre, sa sœur, les vers qu’il vient d’écrire sur une vitre avec son diamant, 1804
Salle 3
Autre Lyonnais « troubadour » : Pierre Révoil (1776-1842), auquel le MBA de Lyon réserve, ainsi qu’à d’autres artistes plus loin dans le parcours, une salle entière. C’est l’un des premiers à collectionner des objets du Moyen Âge et de la Renaissance. D’où son surnom de « peintre antiquaire ». Parmi les toiles présentées, Le Tournoi, célébrant le triomphe absolu d’un chevalier anonyme lors d’une joute à Rennes, en 1337. Il s’agit de l’une des tentatives les plus abouties de reconstitution archéologique signées Révoil.
Pierre Révoil, Le Tournoi, 1812
Salle 4
Que vient faire Ingres (1780-1867) dans cette exposition réservée à un genre moindre que la grande peinture d’histoire où il s’illustre d’ordinaire ? Contrairement à Richard et Révoil avec qui il est formé dans l’atelier de Jacques-Louis David (1748-1825), le maître français ne s’attache pas tant aux faits qu’au potentiel esthétique d’un événement. D’où la précision de son tracer dans cette scène empruntée au chant V de l’Enfer de Dante. En lisant les aventures du chevalier Lancelot du Lac, Francesca et Paolo Malatesta se rendent compte de leur amour mutuel. Leur mari et frère aîné respectif les surprend ici échangeant un premier baiser furtif. Un adultère également immortalisé par Coupin de la Couperie (1771-1851) dont le tableau est confronté, dans cette exposition, à la maestria d’Ingres.
Jean-Auguste-Dominique Ingres, Paolo et Francesca, 1819
Salle 5
L’illustration de la vie des maîtres du passé constitue un genre en soi. Un genre auquel contribue activement Pierre Nolasque Bergeret (1782-1863), comme en témoigne cette peinture où l’empereur Charles Quint (1500-1558), lors d’un prétendu séjour à Bologne en 1533, aurait ramassé le pinceau du Titien intimidé par sa présence. Une anecdote qui, malgré son caractère fictif, dénote le respect des puissants de l’époque envers les artistes.
Pierre Nolasque Bergeret, Charles Quint ramassant le pinceau du Titien, 1808
Salle 6
Nouveau zoom, sur Paul Delaroche (1797-1856) cette fois, lequel participe au renouvellement du genre troubadour à un moment où celui-ci connaît une sérieuse perte de vitesse. Réalisé en 1931, ce tableau prend sa source dans un texte de Chateaubriand, Les Quatre Stuarts. Il montre Olivier Cromwell (1599-1658) ouvrant le cercueil du roi d’Angleterre Charles Ier, exécuté en 1649 lors de la guerre civile qui les opposait tous deux. Un pied de nez qui atteste en réalité l’intérêt du peintre pour l’art et l’histoire anglais.
Paul Delaroche, Cromwell et Charles Ier, 1931
Salle 7
Cette salle accuse le succès de Paul Delaroche dont les œuvres finissent par circuler, grâce à la gravure, à travers l’Europe. C’est le cas des Enfants d’Édouard. Inspiré par Richard III de Shakespeare, cette toile montre les deux héritiers de feu le roi Édouard IV d’Angleterre (1461-1483) s’agrippant l’un à l’autre en attendant que leur oncle, l’ambitieux Richard, duc de Gloucester (1452-1485), vienne les assassiner ou les faire assassiner.
Paul Delaroche, Édouard V, roi mineur d’Angleterre, et Richard, duc d’York, son frère puiné, dit Les Enfants d’Édouard, 1830
Salle 8
« Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». On aurait pu le dire d’Eugène Delacroix (1798-1863) et du peintre anglais Richard Parkes Bonington (1802-1828) unis par leur goût prononcé pour l’histoire du Moyen Âge et les faits marquants de leur temps. L’anecdote que relate ici le Romantique français tire son origine de l’Histoire des ducs de Bourgogne de Prosper de Barante : le duc Louis Ier d’Orléans révèle à son chambellan les courbes d’une femme nue au visage caché afin que celui-ci juge de sa beauté. Comble de l’histoire : le cocu n’aurait même pas identifié le corps de sa propre épouse !
Eugène Delacroix, Louis d’Orléans montrant sa maîtresse, 1825-1826
Salle 9
Qu’est-ce qui différencie la peinture troubadour et la peinture d’histoire ? La taille. Pierre Delaroche inaugure un large format qu’adopteront progressivement ses contemporains. Parmi ceux-ci, Eugène Devéria (1805-1865) dont La Lecture de la sentence de Marie Stuart mesure environ neuf mètres sur sept.
Eugène Devéria, La Lecture de la sentence de Marie Stuart, 1826
Salle 10
Costumes, accessoires, et objets en tout genre font la jonction entre les arts visuels et les arts de la scène. Ainsi la Tapisserie de Bayeux inspire à Pierre Révoil une étude de costumes et d’armes acquise par le MBA de Lyon en 1988, avec le concours de l’État et de la région Rhône-Alpes, dans le cadre de la FRAM.
Détail de la tapisserie de Bayeux, XIème siècle
Salle 11
Au fil des ans, la peinture d’histoire a fini par étendre son influence par delà la France, en Angleterre et en Écosse, en Italie, ainsi qu’en Espagne. C’est ce que suggère l’avant-dernière salle de l’exposition où reposent, entre autres, un tableau du peintre anglais Sir William Allan (1782-1850), une toile de l’artiste italienne Gabriele Castagnola (1828-1883) et une de l’Espagnol Eduardo Rosales (1836-1873). Si le premier représente l’un des épisodes les plus tristes du règne de Marie Stuart (1542-1587), la seconde prête au peintre florentin Filippo Lippi une aventure sulfureuse avec la religieuse Lucrezia Buti. Quant à la troisième illustration, dont la composition se veut une référence formelle à L’Assassinat du duc de Guise de Paul Delaroche, elle intéresse la rencontre entre l’empereur Charles Quint et son fils illégitime, donc Juan d’Autriche (1545-1578).
Gabriel Castagnola, Filippo Lippi et Lucrezia Buti, 1871
Salle 12
Les années 1850 marquent le déclin du genre historique en France et la disparition de ses principaux acteurs, pris en otage par le temps et ses modes, tels que ces deux personnages de Jean Paul Laurens (1838-1921). Ainsi s’achève cette exposition qui devrait elle-même, tant par sa richesse que sa clarté, entrer dans l’Histoire.
Jean Paul Laurens, Les Otages, 1896
« L’Invention du passé : histoires de cœur et d’épée en Europe 1802-1850 », du19 avril au 21 juillet, musée des Beaux-Arts de Lyon
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